Surréalisme

Le surréalisme a pu être critiqué pour avoir cherché à confirmer ses propres principes avec une curiosité exotisante envers des cultures extra-européennes. D’autres interprétations proposent au contraire de caractériser ce mouvement comme un champ discursif international fondé sur des dialogues avec des artistes non européens. La revalorisation des dimensions politiques du surréalisme, souvent oubliées, permet d’établir des bilans plus équilibrés sur sa signification historique et sur la structure de ses réseaux.

Le surréalisme nait d’une critique et d’une rupture avec le nihilisme apolitique du dadaïsme. Un an après la publication de son Manifeste du surréalisme (1924), André Breton intègre le Parti communiste, et assure au long des décennies suivantes l’affiliation du mouvement aux ambitions contemporaines de révolution sociale et de la lutte contre le fascisme (Dali en sera exclu en 1936 du fait de sa réticence à condamner le nazisme). Outre la participation des principaux membres à la revue Le surréalisme au service de la révolution (1930-1933), les textes de Breton deviennent de plus en plus explicitement engagés : en 1938, il signe au Mexique le Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant, avec Léon Trotski et Diego Rivera. Par ailleurs, les surréalistes ont dénoncé de manière consistante la colonialisme et l’impérialisme français et plus largement occidental. Ils ont ainsi contribué activement aux débats publics dans le cadre de la Guerre du Rif et de la décolonisation de l’Indochine et de l’Algérie, particulièrement à travers de leurs revues.

Au-delà, ces artistes se sont également intéressés aux cas d’Haïti, de la Martinique et de Cuba, et appuyé la transition socialiste au Chili (1970-1973). Le continent américain, singulièrement réceptif au surréalisme, devient rapidement un pôle fondamental et activement productif du mouvement. Des artistes de la taille d’Aimé Cesaire, Wifredo Lam, Roberto Matta, Rufino Tamayo, Frida Kahlo, Leonora Carrington, Remedios Baro et Aldo Pellegrini ont collaboré avec Breton et suivi postérieurement des chemins alternatifs aux canons du surréalisme français.

Le portail mondial des revues récence vingt-cinq publications surréalistes du monde entier, qui montrent le caractère transnational de ce réseau culturel et ses liens avec des luttes d’émancipation. On retrouve des revues américaines minutieusement affiliées aux principes de Breton, comme A partir de Cero (Argentine, 1952-1956) ou Leit Motiv (Chili, 1942-1943), ou bien plus libres, expérimentales ou militantes, telles que Amauta (Pérou, 1926-1930) ou Los Huevos del plata (Uruguay, 1965-1969). On retrouve également Le Désir libertaire (1980-1983), publiée par le poète surréaliste irakien Abdul-Kaer El Janabi, ainsi que Tropiques (1941-1945), fondée par Aimé Césaire, ou bien Mavo (1924-1925), qui entreprit l’introduction du surréalisme au Japon.